On pousse la porte du Moulin, l'ouvrier appelé Dérompeur est assis devant une importante pile de chiffons de lin et de chanvre qu'il trie selon leur couleur et leur qualité. Grâce au dérompoir, une lame de faux recyclée, le papetier coupe le linge en bandelettes puis en petits carrés et élimine boutons, attaches et grosses coutures.
Ensuite, il dépose ces morceaux de tissus dans une cuve en pierre appelée "pourrissoir".
Arrosés, ils fermentent pendant environ trois semaines avant de rejoindre la pile à maillets.
Durant 2 à 3 jours, les maillets, actionnés par la roue à godets, réduisent les tissus en une pâte homogène. Au cours de cette opération, le contenu d'un creux de pile est déplacé trois fois afin de subir successivement le broyage des différents maillets dont les lames en acier sont de plus en plus fines.
Une fois sortie du creux de pile, le papetier verse la pâte concentrée dans une grande cuve en cuivre d'où il tire les feuilles après avoir brassé la mixture avec une sorte de palette. D'un mouvement de va-et-vient, le maître-papetier égalise la pâte dans une forme en bois sur laquelle est tendue une trame serrée de fils de cuivre. Ensuite, il laisse égoutter la feuille naissante et la retourne sur un feutre. Il la recouvre d'un autre feutre et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il obtienne une porse, nom donné à une pile contenant une centaine de feuilles.
Pressées puis délicatement séparées du feutre, les feuilles sont étendues sur des cordes. Quand elles sont enfin sèches, vient alors l'étape de l'encollage avant de les étendre une seconde fois à l'air libre. Enfin, le papetier les place à nouveau sous presse afin de leur donner une surface totalement plane: c'est le satinage.
Ainsi va la vie de ces hommes au tablier blanc. Cette technique ancestrale sera utilisée jusqu'au XVIIIème siècle, époque à laquelle l'industrialisation va accélérer la disparition de la plupart des anciens moulins à papier.